La séparation en sursis
Fin janvier, la proposition de loi Duplomb-Menonville a été débattue au Sénat. Le texte, qui doit maintenant passer à l’Assemblée nationale, propose de rendre le conseil aux distributeurs. Le gouvernement a en revanche écarté l’idée de réautoriser les remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires.
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C’est un premier pas qui a été franchi le 27 janvier au Sénat : les parlementaires ont voté (à 230 voix pour, 105 contre) le rétablissement de « la possibilité pour un distributeur de produits phytopharmaceutiques d’exercer une activité de conseil, en conservant les CEPP et en prévoyant des règles de prévention de conflit d’intérêts ». Un amendement proposé par le gouvernement, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », portée par les sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville. Si la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a rappelé les difficultés posées par la séparation, elle a ajouté qu’elle « ne doit pas être entièrement abrogée ». En l’état, le texte supprime la notion de conseil spécifique, et permet aux distributeurs de réaliser du conseil stratégique qui sera « conditionné au respect d’exigences pour prévenir les conflits d’intérêts, à préciser par décret ». La prestation de conseil sera « facturée et effectuée à titre onéreux, afin d’individualiser et formaliser de façon plus complète l’acte de conseil ».
La distribution prudente
Pour Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain, c’est « une bonne première étape », même si « on a quelques craintes sur le fait que le texte soit par la suite très édulcoré. J’ai peur que l’on arrive à la fin à encore plus de complexité, alors qu’au contraire il faut une réelle adaptation du système à la réalité du terrain. » Car reste à faire valider le projet de loi par les députés, dans une Assemblée nationale aux équilibres politiques complexes. Et outre la séparation, les parlementaires vont se pencher dans ce texte sur le retour des néonicotinoïdes, sujet brûlant. « C’est dommage d’avoir mélangé les deux sujets », regrette Antoine Hacard.
À la FNA, le président Antoine Pissier « attend de voir comment le projet de loi va se concrétiser » et, par la suite, « quels seront les décrets d’application ». C’est le grand point d’interrogation : quelles seront les modalités des garde-fous ? Pour sa part, le pôle du conseil indépendant en agriculture continue de promouvoir la création d’un « agrément préconisation liée à la vente », pour éviter « la confusion avec le conseil ». Le PCIA a adressé ses propositions détaillées aux députés début février. Ce nouvel agrément nécessiterait notamment la création d’une société séparée, avec des salariés dédiés, et un financement uniquement par la facturation des préconisations.
Les 3R, « une ligne rouge »
Si le texte actuel ouvre un aménagement de la séparation pour les distributeurs, il maintient l’interdiction pour les firmes mettant en marché les produits, sauf de biocontrôle, à faible risque ou utilisables en bio. Une restriction regrettée par Yves Picquet, président de Phyteis, le 13 février en conférence de presse, arguant de la nécessité du conseil pour les outils d’aide à la décision développés par les firmes : « Nous allons donc poursuivre les échanges avec les autorités pour qu’au moins, au niveau des OAD, nous puissions donner des conseils aux agriculteurs. »
Quant à la fin de l’interdiction des 3R, proposée par les sénateurs à l’origine du texte, Annie Genevard a été claire : c’est une « ligne rouge » pour le gouvernement. Un amendement a supprimé son rétablissement, qui n’était d’ailleurs pas demandé par la distribution.
Fixés début avril ?
Le texte doit maintenant être étudié à l’Assemblée nationale. Dans son discours, le 23 février, au Salon de l’agriculture, Annie Genevard évoquait une inscription « au printemps ». La semaine du 7 avril circulait dans les allées de la plus grande ferme de France. En attendant une évolution législative, Antoine Hacard espère des avancées sur le biocontrôle, avec des firmes en attente d’homologation pour leurs produits. Bonne nouvelle, l’Anses a signé le 27 février une convention avec le Secrétariat général pour l’investissement et la DGAL afin de « favoriser l’émergence et le déploiement de produits de biocontrôle issus des entreprises accompagnées par France 2030 ».
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